La règle comptable
Le principe est qu’un fonds commercial (part incorporelle = clientèle, enseigne, nom commercial, parts de marché) est présumé avoir une durée d’utilisation illimitée. Il n’est donc pas amortissable. Toutefois, si un contrat ou une autorisation légale font que le fonds aura une durée limitée, il est possible de l’amortir sur la durée prévisible d’utilisation (10 ans en cas de difficulté d’évaluation de la durée). Les petites entreprises au sens de Code de Commerce (entreprises ne dépassant pas deux des trois seuils suivants : 12 millions de chiffre d’affaires, 6 millions de total de bilan, 50 salariés) peuvent sur option amortir leur fonds commercial. Presque personne ne le fait dans la mesure où l’amortissement n’est pas déductible fiscalement et dans la mesure où cet amortissement ternit l’image des bilans (moins de résultats / moins de fonds propres / incompréhension des créanciers) !
La dérogation fiscale temporaire
Pendant 4 ans, de 2022 à 2025, l’acquisition des fonds commerciaux ou agricoles pourra donner lieu à amortissement comptable avec une déduction fiscale ! (Mais pas artisanaux ni libéraux !). Nous attendons avec impatience quelques précisions sur ces fonds car certains fonds sont à la fois artisanaux et commerciaux par exemple. Une pharmacie a-t-elle un fonds commercial ou libéral ? Il semblerait par ailleurs qu’une taxation à l’IS permettrait cet amortissement quelle que soit la nature du fonds. La déduction sera donc possible pour toutes les petites entreprises rachetant un fonds et ce sur 10 ans (sauf durée plus pertinente). L’objectif du législateur est d’aider les transactions de fonds commerciaux après la crise sanitaire. Les achats de fonds avant 2022 sont exclus sans exception de ce dispositif.
Le conseil et l’avis de l’expert-comptable
L’impossibilité d’amortir un fonds est très coûteux fiscalement pour une entreprise. Quand le revenu est soumis aux charges sociales (entreprises individuelles ou sociétés à l’IRPP), l’impossibilité d’amortir le fonds conduit régulièrement à opter à l’impôt sur les sociétés pour limiter le coût fiscal. Cette mesure temporaire est un vrai levier d’économies fiscales voire sociales pour acquérir un fonds commercial.
Nous n’avons pas de précisions aujourd’hui mais a priori les mesures d’exonération de plus-values (fonds de moins de 500.000 euros pour une exonération totale et moins de 1.000.000 euros pour une exonération partielle – voir ci-après) semblent rester applicables, ce qui serait extrêmement favorable.
La combinaison de cet amortissement et des nouvelles protections de l’entreprise individuelle (voir éditorial) va semble-t-il nous réorienter vers les entreprises individuelles ou les sociétés soumises à l’impôt sur le revenu pendant les 4 ans qui viennent
Précisons au passage que le rachat d’une entreprise conduit souvent à une négociation du rachat de fonds de commerce ou rachat de société : une telle mesure va conduire l’acheteur à tenter d’imposer encore plus qu’avant le rachat du fonds (amortissable) et non le rachat des parts (non amortissables). Cela peut conduire l’acheteur à exiger une décote sur un achat de société ou le vendeur à majorer le prix de son fonds !
Rien n’est précisé quant à la possibilité de se « vendre à soi-même » (exemple : l’entrepreneur individuel vend à une société qu’il crée) : comme ce n’est pas la vocation du texte, on se méfiera de tomber sous le coupe d’un abus de droit dont les sanctions sont rédhibitoires mais si la vente du fonds est accompagnée d’autres recherches (exemple : associer le conjoint suite à la fin du statut de conjoint collaborateur – voir ci-après- ou un enfant), on peut imaginer quelques transactions efficaces. On attend avec impatience les commentaires de l’administration qui ne manquera probablement pas d’évoquer ce type de montage.
Le point négatif de cet amortissement sera la diminution importante de la valeur des fonds propres de l’entreprise. Cette diminution peut notamment être préjudiciable pour le regard des banquiers (moins de fonds propres) ou pour les distributions de dividendes (baisse des résultats et donc des dividendes